HISTORIQUE
1841
La Manufacture Boch est créée en 1841 par Jean-François Boch, l’un des principaux actionnaires de la Société Villeroy et Boch, née en 1836 de l’association de ce dernier avec la famille Villeroy. La faïencerie de La Louvière entre dans un groupe composé de celles d’Audun-le-Tiche, Mettlach, Vaudrevange, Eich, Echternach et Septfontaines. L’entreprise louviéroise est d’ores-et-déjà un maillon de ce qui devient plus tard l’un des grands groupes faïenciers mondiaux.
Les raisons de l’installation de cette faïencerie à La Louvière sont multiples. Le site jouit alors d’équipements de communication essentiels. L’embranchement donnant accès au canal de Charleroi (actuel Boulevard des Droits de l’Homme) vient d’être creusé, des chaussées et une ligne de chemin de fer complètent l’accessibilité du site alors trop isolé.
Une cité faïencière va peu à peu se construire autour des ateliers. Il s’agit des logements pour les ouvriers, du Casino (salle de fête), du château du directeur entouré d’un grand parc (La Closière), de maisons patriciennes pour les ingénieurs qui marquent encore aujourd’hui le patrimoine louviérois.
Il semble que le site soit baptisé Keramis (d’où l’appellation Manufacture de Keramis) dès cette époque. Cette appellation est un hommage aux potiers athéniens et sans doute une réponse à Etruria, le nom donné par Josiah Wedgwood au site de sa célèbre manufacture près de Stoke-On-Trent (GB).
La Manufacture Boch est, avec l’entreprise sidérurgique Boël (actuel Duferco La Louvière), à l’origine de la création de la Ville. L’emprise territoriale actuelle du site sur la cité témoigne de la violence du développement industriel dans une zone totalement rurale dans le premier tiers du XIXe siècle. La Louvière, à l’origine simple hameau de la commune de Saint-Vaast, est un cas très intéressant de ville champignon créée de toutes pièces pour les nécessités de telles entreprises. Boch fut durant son histoire à la pointe du progrès : le premier four tunnel continu au gaz a été inauguré en 1904, le premier en Europe ! Cette avancée technologique déclassa les fours au charbon aujourd’hui monuments historiques. L’histoire de l’entreprise est marquée par une course passionnante à la mécanisation des moyens de production. Gage de prospérité, la réussite qui l’accompagne permet dès lors de préserver des unités de production dédiées à la création artistique. Ces ateliers particuliers porteront successivement les noms de « Chambre de peintres », « Ateliers d’art » et « Studio d’art - La Louve ».
Vue de la faïencerie Boch Frères depuis la gare, Belgique industrielle : vue des établissements industriels de la Belgique : 2e série, 1850-55
1985
Après un siècle et demi de prospérité, la Société est frappée par le déclin économique des bassins industriels wallons. Dans les années 1960, la production s’élève alors à 9.000 tonnes annuelles (4000 T pour la vaisselle et 5000 T pour la division sanitaires), Boch est alors, à tous points de vue, la plus importante industrie céramique belge.
En 1985, une retentissante faillite survient. La Manufacture, qui peine à retrouver la prospérité, change plusieurs fois de direction. Les anciens bureaux sont vendus et démolis au mépris du patrimoine qu’ils contiennent.
À L'AUBE DE 1990...
L'idée d'un musée sur le site Boch émerge avec un groupe de passionnés, menés par Baudhuin Pringier (ancien conseiller au cabinet du ministre Wathelet), qui mettent sur pied une « Fondation Boch Keramis pour l'étude de la céramique wallonne et bruxelloise ». Ils publient une revue, organisent des modestes expositions, des conférences, des rencontres de collectionneurs et installent un petit espace muséal sur le site. Plein d'optimisme, ils annoncent d'emblée le lancement d'un concours d'architecture pour « dégager les meilleures solutions d'intégration d'un tel écomusée dans l'environnement louviérois ». La vie de cette association est éphémère. En 1994, l'entreprise prend le relais et recrute un historien dont la mission est de valoriser ce riche passé. Pour la première fois, les trois derniers fours-bouteilles du site sont ouverts au public lors des Journées du Parimoine. Plus de deux mille personnes s'y rendent. En 1999, Emmanuelle Béart et Charles Berling tournent « Les destinées sentimentales » d'Olivier Assayas sur ce site authentique des vieux fours.
Vue aérienne de la faïencerie, 1936
1998
En 1998, avec la vente de terrains appartenant à Royal Boch, la Ville de La Louvière souhaite éviter le développement d'un chancre en plein coeur de la cité. Dans le cadre d’une nouvelle restructuration de l’entreprise, le bâtiment administratif prestigieux de la faïencerie est vendu et détruit pour un projet de construction d'un nouveau cinéma (projet Pescatore abandonné ensuite). C’est une hérésie sur le plan patrimonial car il contient des murales en faïences polychromes de Raymond-Henri Chevallier. Un plan communal d'aménagement (PCA) vise dès lors à la réhabilitation complète du site industriel de 16 ha et son insertion dans une nouvelle trame urbaine. Il est envisagé que l’entreprise occupe des locaux mieux adaptés grâce au soutien d’Objectif 1 et qu’un musée soit installé autour des fours-bouteilles.
2000
En 2000, Frédéric de Mévius et Diane Hennebert jettent les bases de la Fondation Boch Keramis nouvelle mouture. Sa mission étant de collecter et d’étudier les traces du passé, d’organiser des expositions, de publier des études et de rééditer des objets anciens grâce au savoir-faire toujours présent dans l’entreprise. Outre les actions de collecte d’objets et de documents, la Fondation Boch Keramis milite aussi pour le classement de l’édifice désaffecté contenant les trois fours-bouteilles, témoignages exceptionnels de la technologie de cuisson des produits céramiques (faïence, grès) du XIXe siècle.
2003
Un arrêté ministériel du 25 août 2003 ordonne le classement de certaines parties de la manufacture, de trois fours-bouteilles et du bâtiment qui les abrite, ainsi que de l’atelier, situé au sud des fours-bouteilles. Invité à participer dès 2003 au conseil scientifique de la Fondation Boch Keramis, le Musée royal de Mariemont suggère un partenariat avec la fondation pour la création d’un centre plus ambitieux qui deviendrait le Centre de la Céramique de la Communauté française. Le projet obtient immédiatement le soutien de la Ministre de la Culture et de l’Audiovisuel de la Communauté française Fadila Laanan.
2008
Le 17 novembre 2008, frappée par la baisse générale de la consommation, les ventes chutent, l’entreprise éprouve des difficultés à payer un fournisseur et est placée sous concordat judiciaire pour 6 mois.
2009
Le 26 février, la faillite est prononcée, les ouvriers occupent l’usine. La photographe Véronique Vercheval témoigne de cette occupation. Elle publiera un recueil de portraits des derniers ouvriers. Au mois de juin, la manufacture est reprise par l’homme d’affaire bruxellois Patrick De Mayer. La plupart des ouvriers conservent leurs emplois.
Le 19 mars 2009, l'Assemblée Générale constitutive de Keramis - Centre de la Céramique de la Communauté française est fondée.
Le 3 avril 2010, un jury sélectionne 5 bureaux (Holoffe & Vermeersch Architecture, Coton De Visscher/Le Lion/Nottebaert-Vincentelli Architectes, Atelier d'Architecture Georges Eric Lantair, C-NrGy et L'Escaut-Bauwers) qui participent à la deuxième phase de la sélection de l'auteur de projet. Le 29 septembre : un jury est mis sur pieds et choisit comme auteur de projet l’équipe « Coton – De Visscher - Lelion - Nottebaert - Vincentelli Architectes ».
2011
Malgré les promesses, le repreneur ne remet pas le personnel au travail. Les infrastructures sont démantelées sans réinvestissement. Le 07 avril 2011, la faillite est prononcée, les activités industrielles cessent définitivement. Les travailleurs sont spoliés. Ils se regroupent au sein de la Compagnie Maritime et montent une pièce de théâtre jouée pour la première fois au Palace à La Louvière en mars 2012.
2015
Keramis, le Centre de la Céramique de la Fédération Wallonie-Bruxelles ouvre ses portes le 8 mai 2015.
Jean Glibert, architecte et peintre belge, a réalisé le décor peint de l'enveloppe extérieure du bâtiment. Le motif ainsi reproduit fait écho aux craquements sur la surface des objets faïencés.
Avec le soutien de Mons 2015, le céramiste belge Emile Desmedt réalise un four-sculpture monumental aux abords de Keramis. Cuite sur place par un « feu intérieur », l’œuvre a la forme d’une graine germant naturellement. La sculpture a ainsi rejoint de manière permanente le paysage louviérois.